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Premium vert ou décote brune : l’immobilier durable au coeur des préoccupations

Premium vert ou décote brune : l’immobilier durable au coeur des préoccupations

2 novembre 2021

L’immobilier durable est aux coeurs des préoccupations actuelles, avec des critères ESG de plus en plus présent et des réglementations qui évoluent régulièrement.  

Regard croisé entre Michel Tolila, président de Stonal, et Bruno Lunghi, Partner FS, avocat associé de PwC Société d’avocats

Bruno Lunghi,
Partner FS, avocat associé de PwC Société d’avocats

Michel Tolila,
Président fondateur de Stonal

Le secteur immobilier, qui représente 39 % des émissions mondiales de CO2 liées à l’énergie, se retrouve plus que jamais face à la responsabilité de construire, exploiter et rénover de façon durable. La durabilité est bien une nécessité dont le secteur ne peut plus faire l’économie. Face aux bénéfices du premium vert se dresse la menace d’une décote brune (« brown discounting ») pour tout actif qui ne répondrait pas aux standards environnementaux désormais attendus. Selon une étude de 2021 publiée par Savills, les exigences environnementales dans le bâtiment attendues par les entreprises sont de plus en plus élevées. Les bâtiments qui ne respecteraient pas ces nouvelles normes courraient le risque d’une augmentation de leur vacance, car plus difficiles à louer. Comment cette double réalité que représentent la valorisation (verte) et la décote (brune) peut-elle catalyser un changement de paradigme tant attendu dans le secteur ?

 

Dans la lutte face au changement climatique, comment l’immobilier français se positionne-t-il ? Quels sont les obstacles qui persistent et freinent l’adoption d’un nouveau paradigme durable ?

Bruno Lunghi : Forte de son Décret tertiaire, la France compte dorénavant parmi les pays les plus avancés sur le front de la réglementation environnementale pour faire face au changement climatique. D’ici 2030, les bâtiments auront pour obligation de réduire de 40 % leurs consommations, et respectivement de 50 % et 60 % d’ici 2040 et 2050. Rappelons-le, ce décret ne demande pas seulement de monitorer des consommations d’énergie : il s’agit également d’engager une démarche de rénovation massive des bâtiments. La réglementation est certes un outil puissant pour amener le changement, pourtant il faut aussi combattre les idées préconçues : notamment, le public surestime considérablement le coût marginal de la construction écologique, ce qui freine l’adoption de nouvelles pratiques et une transition verte pourtant si nécessaire. Une étude menée par le Conseil mondial des entreprises pour le développement durable (WBCSD) en 2007 indique que le coût d’installation des caractéristiques et des technologies de construction écologique est considérablement surestimé, car les participants à la recherche ont perçu que le coût initial d’un bâtiment écologique est, en moyenne, 17 % plus élevé que le coût initial d’un bâtiment traditionnel similaire. Alors que selon l’US Green building Council (USGBC), d’après l’étude de 146 bâtiments verts, le coût initial d’un bâtiment écologique est seulement 2 % plus élevé que son homologue non vert.

 

Dans quelle mesure peut-on raisonnablement parler d’un « premium vert » ?

Michel Tolila : La construction et exploitation durables sont de puissants vecteurs d’améliorations tangibles pour la performance globale des bâtiments, et ces améliorations apportent une valeur considérable. Des études ont montré que les bâtiments verts certifiés entraînent des loyers nettement plus élevés. Une étude de l’université de Californie à Berkeley a analysé 694 bâtiments verts certifiés et les a comparés à 7 489 autres immeubles de bureaux, chacun situé à moins d’un quart de mile d’un bâtiment vert de l’échantillon. Les chercheurs ont découvert qu’en moyenne, les immeubles de bureaux écologiques certifiés se louaient 2 % de plus que les immeubles comparables à proximité. Après ajustement pour les niveaux d’occupation, ils ont identifié une prime de 6 % pour les bâtiments certifiés. Le premium vert est une réalité indéniable pour le secteur.

 

S’il est vrai qu’un bâtiment prend de la valeur, peut-on dire inversement qu’il va en perdre s’il n’est pas mis aux normes environnementales ?

Bruno Lunghi : Le pendant de la valorisation verte, c’est la décote brune, le brown discounting. Dans l’immobilier tertiaire comme résidentiel, les occupants, entreprises et particuliers s’attendent désormais à des standards environnementaux de plus en plus élevés, et les actifs qui sont en deçà de ces normes trouveront moins de locataires. On observe une tendance similaire du point de vue des investisseurs : trois quarts des investisseurs interrogés effectuent un examen structuré de la performance ESG, contre seulement un tiers dans l’enquête précédente, menée deux ans plus tôt. Nous avons également relevé dans la dernière étude sur le marché français du financement des professionnels réalisée par l’Institut de l’épargne immobilière et foncière (IEIF) conjointement avec PwC Strategy& que les sujets ESG/ISR sont pris en compte par 85 % des financeurs dans les conditions des prêts. Les investisseurs qui utilisent encore une approche informelle devront passer à un régime plus rigoureux. Le brown discounting est un levier réel déjà en marche qui signale une mutation profonde des comportements des acteurs dans le secteur de l’immobilier à tous les niveaux de la chaîne de valeur.

 

Dans quelle mesure les technologies innovantes maintenant à notre disposition nous permettraient-elles de mieux mesurer et anticiper les opportunités/risques ?

Michel Tolila : Dans la prochaine décennie, la menace d’un effet brown discounting de la valeur immobilière peut être maîtrisée à la condition de mettre en place des solutions de modélisation des scenarii des données sur la perte de valeur. Les modèles prédictifs de machine learning que nous développons permettent déjà de proposer des scenarii comportementaux. Aujourd’hui les « Technology for Impact » proposent des solutions sur le cycle de vie de l’immobilier afin de pouvoir relever les défis liés à une transition verte. Toutefois, elles restent encore trop segmentées en termes de services proposés pour le marché et basées sur des jeux de données trop faibles. L’enjeu réel est donc de proposer une solide infrastructure numérique des données du patrimoine pour implémenter par la suite une solution d’analyse et de compréhension globale des critères « E », « S » et « G ». C’est ce vers quoi tend STONAL au travers des développements de sa plate-forme ; et les opportunités de collaboration avec PwC permettent la construction d’une offre complète allant du consulting à la construction des indicateurs et leur publication.

Bruno Lunghi : Au-delà de la perte de valeur potentielle à maîtriser, il y a des opportunités à saisir en matière de création de valeur sur le périmètre du parc immobilier et de ses parties prenantes (fournisseurs, utilisateurs, territoires notamment), ainsi que de valorisation des externalités « E », « S » et « G » dans une logique de suivi et de pilotage des engagements pris et de transparence.

Publié dans Business Immo le 28 octobre 2021

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