\\ Edito - La mesure du carbone
Le carbone c’est la vie. Mais le carbone c’est l’ennemi. Il est devenu l’atome à abattre, l’incarnation du mal qu’il faut rejeter ou plutôt ne pas rejeter (il faut suivre !). Drôle de destin que celui de cet atome de carbone dont Primo Levi, docteur en chimie, narre dans Le Système périodique la formidable aventure, figé pendant des millions d’années dans un banc de calcaire puis libéré par la pioche d’un homme, qui pénètre successivement dans un faucon, dans une feuille de vigne, dans du vin, séjourne quelques jours dans le corps d’un être humain et finit relâché dans l’atmosphère avant de fournir l’énergie au cerveau de l’auteur pour achever son récit. Sa structure électronique et son électronégativité font qu’il peut s’associer dans une infinité de structures, en faisant l’épine dorsale de la vie. Du charbon au diamant en passant par l’acier, les matériaux carbonés ont rythmé l’histoire de l’humanité comme sources d’énergie ou composants de base. Mais le carbone est au cœur de quatre des huit gaz à effet de serre. Ce même effet de serre qui séquestre une partie du rayonnement infrarouge rejeté par notre planète et en augmente donc la température.
Nos modes de vie conduisant à la concentration du carbone dans l’atmosphère, la Terre, impuissante, se réchauffe, menaçant la vie d’une nouvelle extinction de masse. Pour éviter cela, il faut maintenir la concentration de dioxyde de carbone, le CO2 auquel on ramène les autres gaz par des clés d’équivalence, en dessous de 530 parties par million, soit 5,3 grammes par tonne d’air, concentration qui sonne officiellement le glas de l’objectif de limiter le réchauffement planétaire à + 2°C.
Pour cela le carbone doit être mis au centre d’une nouvelle nomenclature mondiale qui saisirait l’ensemble de nos actions, de la plus unique à la plus banale. Cette nomenclature doit être mondialement partagée pour que, dans des chaînes de valeur intriquées, les produits soient correctement pondérés. C’est un nouveau système métrique qui va se mettre en place avec ses ratés, parfois aux conséquences lourdes, on vient ainsi d’apprendre que l’Agence internationale de l’énergie envisage de réévaluer le poids carbone des panneaux solaires. Il faut accepter la marge d’erreur et l’ imprécision de la mesure ne doit gommer l’idée générale qui est celle de la réduction. Avec la mesure vient également les incitations et les sanctions pour modifier les comportements.
Bonne lecture,
Michel & Robin
La mesure du carbone, de quoi parle-t-on ?
La principale cause du changement climatique est l’augmentation des concentrations atmosphériques de gaz à effet de serre, tels que le CO2, qui piègent la chaleur dans l’atmosphère terrestre et contribuent au réchauffement de la planète.
Dans son livre “Climat, comment éviter un désastre?” (2021), Bill Gates nous donne deux chiffres : 51 milliards et zéro. Le premier représente le volume, en tonnes de gaz à effet de serre que le monde rejette chaque année dans l’atmosphère et qui ne cesse d’augmenter. Le second est l’objectif à atteindre : gommer nos émissions le plus rapidement possible avant que les changements climatiques atteignent un stade irréversible avec des impacts très long terme sur la population mondiale. Dans son rapport annuel, le Ministère de la Transition Ecologique indique que les émission de CO2 au niveau mondial ont augmenté de 67% entre 1990 et 2018 tout en diminuant de 23% au sein de l’UE sur la même période. L’objectif zéro est alors d’autant plus difficile à atteindre qu’il est mondial et que les objectifs fixés par différents pays de -30, -40, -50 à l’horizon 2050 ne seront pas suffisants.
La mesure systématique des émissions dues aux activités humaines n’a vraiment commencé que dans les années 1950, lorsque les scientifiques ont commencé à utiliser des techniques plus sophistiquées pour quantifier les émissions de gaz à effet de serre. Depuis lors, les mesures des émissions de CO2 sont devenues plus précises et plus fréquentes, avec des programmes de surveillance internationaux tels que le Programme Mondial de Surveillance de l’Atmosphère (PMSA) qui mesure les niveaux de gaz à effet de serre dans l’atmosphère dans le monde entier.
Mais lorsque que l’on sait que l’Agence Internationale de l’Energie annonce 33,1 milliards de tonnes et non 51, alors mesurer et analyser encore plus finement l’évolution et la géolocalisation de nos émissions carbone devient essentielle pour déterminer l’ampleur de l’impact des activités humaines sur l’environnement et l’efficacité des stratégies d’atténuation.
L'importance de la mesure du carbone.
La mesure du carbone est le processus de quantification des émissions de dioxyde de carbone (CO2) produites par les activités humaines. Il s’agit d’une étape cruciale dans l’atténuation des effets du changement climatique, causés par la libération de gaz à effet de serre dans l’atmosphère. Le calcul des émissions de CO2 est le suivant : émissions de CO2 = quantité consommée x facteur d’émission. On collecte donc les données que l’on associe à un facteur d’émission permettant de calculer son équivalent carbone.
La mesure du carbone joue un rôle essentiel dans la réalisation des objectifs climatiques mondiaux, tels que l’Accord de Paris, qui vise à limiter l’augmentation de la température mondiale à moins de 2°C par rapport aux niveaux préindustriels. Une mesure précise du carbone ainsi que des énergies plus ou moins carbonées est essentielle pour suivre les progrès accomplis dans la réalisation de ces objectifs et identifier les domaines dans lesquels des mesures supplémentaires sont nécessaires.
Le niveau de concentration actuel de dioxyde de carbone (CO2) dans l’atmosphère est d’environ 417 parties par million (ppm), ce qui est considérablement plus élevé que les niveaux préindustriels d’environ 280 ppm. La majeure partie de cette augmentation est due aux émissions de CO2 résultant de la combustion de combustibles fossiles pour la production d’énergie et les transports.
Au sein de notre petit aquarium planétaire, et même si elle a tendance à déporter sa pollution dans d’autres pays frontaliers, la France ne pèse qu’environ 4 ppm (soit 0,9 % des 417 ppm mondiaux pour un volume d’environ 352 millions de tonnes de CO2). Alors même si un pays comme le nôtre venait à atteindre l’objectif zéro ppm, le chantier mondial resterait immense.
Quelles méthodes de mesure ?
Le processus de mesure du carbone est complexe et multiforme, il fait appel à diverses technologies et méthodologies, chacune ayant ses avantages et ses limites.
La mesure directe consiste à mesurer la quantité de CO2 émise par des sources telles que les centrales électriques, les usines et les transports. La mesure directe est généralement effectuée à l’aide de systèmes de surveillance continue des émissions (CEMS), qui mesurent la concentration de CO2 et d’autres gaz dans le flux d’échappement. Cette méthode fournit des données précises et fiables, mais elle est coûteuse et nécessite un équipement et une expertise spécialisés.
La mesure indirecte consiste quant à elle à estimer la quantité d’missions de CO2 sur la base de données telles que la consommation de carburant, l’utilisation de l’énergie et la production. La mesure indirecte est souvent utilisée pour les sources d’émissions à petite échelle, telles que les ménages et les petites entreprises, où la mesure directe n’est pas pratique. Cette méthode est relativement peu coûteuse, mais elle est moins précise que la mesure directe.
L’Analyse du Cycle de Vie (ACV) : l’ACV est une méthode globale qui évalue l’impact environnemental d’un produit ou d’un service tout au long de son cycle de vie, depuis l’extraction des matières premières jusqu’à l’élimination. L’ACV prend en compte toutes les étapes du cycle de vie du produit, y compris la production, le transport, l’utilisation et l’élimination. Cette méthode permet d’obtenir une vision globale de l’empreinte carbone d’un produit ou d’un service, mais elle prend du temps et nécessite des données détaillées.
Et dans l'immobilier ?
Le secteur immobilier est responsable d’une part importante des émissions de dioxyde de carbone (CO2) à l’échelle mondiale. Selon l’Agence Internationale de l’Energie, le secteur du bâtiment (résidentiel et commercial) représente environ 28% des émissions mondiales de CO2 liées à l’énergie. Cela est dû en grande partie à la consommation d’énergie nécessaire pour chauffer, refroidir et éclairer les bâtiments, ainsi qu’à la production de matériaux de construction.
Les émissions de CO2 du secteur immobilier sont donc un enjeu majeur à prendre en compte dans la lutte contre le changement climatique, et des efforts sont nécessaires pour réduire ces émissions en améliorant l’efficacité énergétique des bâtiments et en utilisant des matériaux de construction plus durables et à faible teneur en carbone.
Cette mesure du carbone se démocratise et entre toujours plus finement dans les bâtiments, à l’exemple de ces solutions de capteurs, telles que FutureAir, capable d’évaluer la qualité de l’air intérieur, le CO2 etc. grâce à des capteurs.
Face à ces enjeux et à la complexité de la mesure carbone, la digitalisation des actifs immobilier neufs mais surtout existants devient nécessaire afin d’en dresser un inventaire précis permettant d’élaborer des stratégies de rénovation et d’optimisation énergétique. De nombreuses solutions technologiques voient le jour pour anticiper les poids carbone d’opérations neuves telles que Vizcab, mesurer pendant la construction ou faire des projections sur le cycle de vie d’un actif.
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