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BIM Immobilier, vers le continuum numérique? – Newsletter #6

BIM Immobilier, vers le continuum numérique? – Newsletter #6

11 mai 2023

\\ Edito - BIM

En 1963, Ivan Edward Sutherland développa Sketchpad, premier logiciel de conception assistée par ordinateur (CAO). En 1986, Robert Aish publia un article et documenta le mot « Building Modeling ». Ces outils sont aujourd’hui rassemblés sous l’appellation de Building Information Modeling ou « BIM ». Le BIM a plusieurs niveaux, définit au nombre de quatre dans la nomenclature britannique. Le niveau 0 est issu d’une conception assistée par ordinateur en 2D dont les objets ne sont pas toujours unifiés. Au niveau 1, les données doivent être structurées et doivent répondre à une norme régissant notamment la numérotation des plans, la géolocalisation, la présentation, le système d’approbation et de diffusion des plans. Au niveau 2, une collaboration entre les différents acteurs dont les modèles évoluent en commun permet de signaler les interférences. Les informations sont alors échangées au format IFC (Industry Foundation Classes) qui assure l’interopérabilité entre les différents logiciels. Au dernier niveau, le 3, un modèle unique centralisé sur lequel les intervenants travaillent en temps réel est imposé. Ce cadre conceptuel extrêmement séduisant s’est fracassé sur la réalité. Mais plus encore, si le BIM a généré de réels gains de productivité dans la phase de conception en améliorant la qualité et la précision des dossiers d’étude et en phase de construction par le partage de l’information, sa translation à l’exploitation a créé beaucoup de désillusions.

Le partage des coûts élevés du maintien à jour de l’information, les responsabilités juridiques et assurantielles des différents intervenants, la propriété des données de la maquette finale, l’alignement des intérêts des parties prenantes ont été autant d’obstacles toujours pas franchis. C’est pour cela qu’un BIM Gestion Exploitation Maintenance (GEM) a vu le jour. Loin de la théorie, il est le fruit de la pratique. Les gestionnaires et propriétaires de patrimoine ont progressivement dépouillé le BIM pour n’en garder que les éléments essentiels, les informations clés, celles qui créent de la valeur dans des cas d’usages concrets. Pour cela il a fallu reconstruire une méta-bibliothèque des principaux composants et équipements d’un bâtiment, 4000 tout de même, reliés aux catalogues des fabricants pour obtenir l’information les concernant de manière automatisée. L’information de base est extraite des dossier des ouvrages exécutés (DOE) et de différents documents techniques, à la fois de manière automatisée par nos algorithmes de lecture et aussi par nos experts. A la fin, nous obtenons une base de données du bâtiment avec les surfaces exactes, le plan n’est plus qu’une interface utilisateur, le meilleur moyen de naviguer à l’intérieur du bâtiment mais toutes les données sont utilisables, requêtables, accessibles à tous. L’accessibilité fait que la mise à jour peut être réalisée par différents intervenants venant sur site. Les changements d’équipements et de composants peuvent être initiés à partir de cette maquette et transférés vers l’ERP pour facturation. Stonal a également développé un plug-in Revit permettant de remplir automatiquement cette base de données à partir de la maquette en n’en conservant que les éléments essentiels lorsque nous sont confiées des bâtiments récents qui ont bénéficié du BIM construction.

Pour un coût raisonnable, moins de 1€ par m², les cas d’usage sont nombreux et le retour sur investissement immédiat. Une ébauche des plans pluriannuels de travaux peut s’automatiser à partir des durées de vie initiales de chacun de ces composants et équipements et de leur état de vétusté constaté. Cet outil permettra de réaliser l’analyse du cycle de vie en exploitation et donc envisager une trajectoire carbone complète. Par ailleurs le BIM GEM facilite la gestion des déchets de construction, en favorisant la réutilisation et le recyclage des matériaux, contribuant ainsi à une approche plus durable de la construction. Autrement dit le BIM immobilier bien calibré délivre bien sa promesse initiale.

Bonne lecture,

Michel & Robin

Le BIM, de quoi parle t-on ?

En moins de 10 ans, le BIM immobilier est passé par toutes les étapes. D’acronyme inconnu, puis à la mode et utilisé tous azimuts il a été mal aimé ou mal compris pour désormais aborder enfin sa phase de maturité.

Le Building Information Modeling (BIM) est une méthode de gestion des données qui permet de créer, visualiser et partager des modèles 3D d’un bâtiment ou d’une infrastructure. C’est une méthode collaborative de conception autour d’un modèle unique appelé maquette numérique. Architectes, ingénieurs et parties prenantes enrichissent un même modèle numérique qui devient une véritable base de données tridimensionnelle de chaque projet. On parle de modélisation en langage dit “objet” puisque sites, bâtiments, composants, espaces, équipements, composants et parfois même organes de fonctionnement sont modélisés sous forme de familles d’objets 3D auxquels sont rattachées des caractéristiques de dimensionnement, de nature d’objet, de performance, de fabricants et même d’état. Ainsi le BIM et la maquette numérique permettent de mieux visualiser et anticiper un projet et ses avancées, permettant d’identifier les erreurs et les problèmes potentiels avant le début de la construction, en bref de réduire le nombre de marteaux piqueurs sur les chantiers…

Outil de productivité certes mais nécessitant des investissement de formation et d’équipement importants, également perçu comme un redoutable outil de contrôle des concepteurs, le BIM n’a pas toujours fait l’unanimité. La modélisation 3D en langage objet a rebuté de nombreux concepteurs qui y voyaient, dès les phases amont, l’obligation de concevoir trop vite un bâtiment sous la forme d’un assemblage de produits industriels et dans son entièreté alors que quelques plans et coupes suffisent. Vecteur potentiel de surenchère informationnelle à intégrer et à maintenir, le BIM a provoqué initialement des levées de boucliers de la part de nombreux acteurs de la construction et de l’immobilier. Engendrant alors des surcoûts de traitement, le BIM imposé sur certaines opérations a fait peur par le passé. Il aura fallu plusieurs années pour que des compromis entre niveaux d’informations (LOD pour Level of Details) et usages soient trouvés et que les chartes BIM finissent par convaincre.

Aujourd’hui, le BIM immobilier est dans sa courbe de maturité et les dernières données indiquent un taux d’utilisation qui s’accélère en France avec plus de 35 % sur les projets immobiliers et plus de 50 % sur les projets des majors de la construction. Mais ce niveau d’adoption reste encore faible par rapport à nos voisins européens tels que le Royaume-Uni (73%) et l’Allemagne (70%). (Etude PlanRadar 2021).

Certains pays comme l’Angleterre avaient anticipé ces enjeux de volumes de données à créer et maintenir en imposant dès 2016 sur les ouvrages publics un format BIM optimisé, le Cobie, échangeable et accessible jusqu’aux corps d’états secondaires non équipés pour accéder aux maquettes numériques. Au delà des formats d’interopérabilité techniques, ce sont surtout les contrats mis en oeuvre par certains pays européens qui ont été le plus moteur d’adoption, à l’image du contrat IPD (Integrated Project Delivery), un contrat lié à la réalisation de chaque ouvrage et donnant aux entreprises un même niveau d’intéressement à la qualité du chantier, favorisant par la même la collaboration autour de maquettes numériques et la volonté de trouver des pistes d’amélioration conjointes lors des phases amont de conception – réalisation.

Un peu d'histoire

La méthode BIM ou modélisation des informations du bâtiment, est née de la nécessité de rationaliser le processus de conception, fabrication et construction en particulier dans un contexte de projets de grande envergure et de collaboration entre plusieurs acteurs.

En 1974, Charles (Chuck) M. Eastman, alors professeur à Berkeley et qui deviendra l’un des pionniers de la conception assistée par ordinateur, affirme que les plans de construction au format papier sont inefficaces du fait qu’ils tombent rapidement en désuétude sans possibilité de les mettre à jour. Il est le premier à introduire la notion de révision automatique de modèle. L’un de ses premiers projets logiciel est une “base de données de bâtiment” appelée le “Building Description System” (BDS). Ce dernier parvient à décrire une bibliothèque d’objets individuels pouvant être extraits et ajoutés à un modèle. Ce programme utilise une interface utilisateur graphique et textuelle présentant des vues en perspective, ainsi qu’une base de données interrogeable, permettant à l’utilisateur d’extraire des informations sur la base d’information de type “matériaux” ou “fournisseur”.

En parallèle, les années 1970 voient l’apparition du CAD (Computer-Aided Design) pour faciliter la conception assistée par ordinateur dans l’industrie automobile puis plus tard dans la construction. Comme nous l’explique François Appéré dans l’un de ses articles, c‘est au début des années 1980 et alors que des développements rapides sont en cours aux Etats-Unis, le bloc soviétique abrite quant à lui deux programmateurs de génie, Leonid Raiz et Gabor Bojar qui vont devenir respectivement devenir fondateurs de Revit et d’ArchiCAD, premiers logiciels BIM immobilier disponibles sur ordinateurs personnels. Gabor écrit les premières lignes de code d’ArchiCAD en se basant sur celle du Building Description System, tout en vivant de l’argent gagné par la mise en gage des bijoux de sa femme et par la contrebande d’ordinateurs Apple à travers le Rideau de Fer. La décennie 90-2000 verra apparaître des logiciels de modélisation 3D toujours plus sophistiqués et le BIM deviendra une méthode de gestion de projet de construction à part entière.

BIM world

Début avril se tenait comme chaque année depuis 2014 le salon français du BIM World. Ce salon qui ne cesse de croitre, est l’occasion pour l’ensemble des acteurs du secteurs de se réunir. → Retrouvez l’intervention de Stonal au BIM World 2023

Vers le continuum numérique ?

Voir les bâtiments sous la forme de bases de données a contribué à la décomposition de l’architecture en ses éléments constitutifs, nécessitant une taxonomie de ses composants tout en soulevant des enjeux forts de continuité numérique.

La nécessaire interopérabilité des langages, codifications et formats techniques est devenu prépondérant entre les fabricants, concepteurs, constructeurs et exploitants utilisant chacun de surcroit beaucoup de solutions logicielles différentes.

La continuité numérique ou passage de témoin entre tous ces acteurs à chaque phase de projet est devenu cruciale tout au long des cycles de vie. De surcroit entre la construction et l’exploitation où les acteurs n’ont pas les mêmes besoins d’informations ni les mêmes interfaces à disposition.

La notion d’avatar numérique du bâtiment, reflet de l’instant présent et simulateur de son évolution future devient chaque année plus stratégique. En effet, comment parvenir à gérer des actifs générateurs de millions d’informations tout en gardant la capacité d’hypervision et de partage sécurisé de toutes ces données ? Certainement pas avec des maquettes numériques traitées par des logiciels on premise et stockées localement sur chaque machine, sans base de données liée. C’est la raison pour laquelle, de nombreuses plateformes collaboratives BIM ont vu le jour et que désormais des solutions logicielles de modélisation en ligne commencent à voir le jour en mode SaaS à l’image de ce que propose Snaptrude.

Dans les phases de gestion-exploitation-maintenance l’enjeu et l’opportunité de disposer d’un référentiel objet d’un bâtiment est énorme pouvant générer d’importants gains non plus seulement sur les deux années en moyenne de construction mais bien sur les dizaines d’années de la vie d’un actif immobilier. Malgré son retard d’adoption, la France se démarque par son avance dans l’utilisation du BIM à des fins de gestion – exploitation – maintenance grâce aux actions de nombreux acteurs, l’émergence de plateformes dédiées et surtout la mise en pratique de meta bibliothèques uniformisant et fiabilisant les échanges.

En conclusion.

La méthodologie BIM, parce qu’il permet de travailler de concert et parce qu’il transforme un bâtiment en base de données, peut structurer des informations détaillées sur les performances énergétiques et carbones des bâtiments. Ainsi se développe de plus en plus le RIM, Ressource Information Modeling, consistant à modéliser un bâtiment en amont de sa démolition pour optimiser le réemploi de ses composants ou pendant son cycle de vie pour en établir le poids carbone.

Dans les années à venir, la modélisation des territoires, des villes (CIM pour City Information Modeling), des bâtiments (BIM) et des ressources (RIM) devrait finir par enfin converger pour réaliser le véritable socle data des Smart city : un continuum numérique entre les échelles bâti sur tous les cycles vie. Avec pour objectif de rationaliser toujours d’avantage la production de bâtiment, leur gestion et leur exploitation, pour, on l’espère un impact positif global sur le bilan carbone de toute une industrie immobilière.

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